L’Ardenne, terre de légendes, abrite des mystères et d’anciennes coutumes ardennaises. Aujourd’hui, permettez-moi de vous en conter quatre légendes, la légende des Nutons, la légende des trois brigands, la légende du rocher de Madame de Cormont, la légende du Mahwot, les Dames de Meuse et la légende de la Pierre Haussée. Partons ensemble à la découverte des légendes mystérieuses attachées à notre territoire.
La légende des Nutons de Fromelennes
Le Nuton est décrit par les ardennais sous la forme de lutin ou de gnome ayant des pouvoirs magiques. Ils sont reconnus par leur talent manuel, leur bienveillance mais aussi par leur susceptibilité. Si un villageois avait la malchance de se moquer d’eux, leur colère serait immédiatement déclenchée contre eux. Le nom nuton viendrait du vieux wallon, du terme “el nût” qui signifie la nuit, car il s’agirait du moment où ces créatures sortiraient le plus souvent.
La légende qu’on raconte aujourd’hui est…
Il était une fois, dans un petit village niché au cœur des Ardennes, une histoire fascinante qui se transmettait de génération en génération. Cette légende mettait en scène une veuve courageuse et un être mystérieux appelé Nuton.
Notre histoire commence avec une femme, récemment veuve, qui se retrouvait seule à élever ses trois filles. La perte de son mari l’avait plongée dans une situation désespérée, car elle ne pouvait plus cultiver ses terres. La famine menaçait sa petite famille.
Un jour, alors qu’elle errait près d’une grotte, elle rencontra un Nuton. Ces créatures, mi-hommes mi-lutins, étaient réputées pour leur sagesse et leur longévité. Celui-ci, âgé de deux siècles, fut ému par la détresse de la veuve. Le Nuton lui proposa un marché : en échange du gîte et du couvert, il s’occuperait de ses champs. Il lui donna alors une instruction simple : “Laissez les outils dans le champ, et le travail sera fait.” Comme par magie, les champs de la veuve furent labourés et ensemencés. Nuit après nuit, les cultures prospèrent. Bientôt, ses récoltes devinrent les plus abondantes du village, suscitant l’admiration et la curiosité de tous.
Malheureusement, la cupidité finit par l’emporter. Un voisin, voyant le succès de la veuve, lui proposa de l’argent en échange des services du Nuton. La veuve, tentée par le gain, accepta et plaça ses outils dans le champ du voisin, pensant tromper son bienfaiteur.
Ce fut une erreur fatale. Non seulement le champ du voisin resta en friche, mais le Nuton, déçu par la trahison, disparut à jamais. La veuve se retrouva alors seule face à son destin, ayant perdu bien plus que ce qu’elle espérait gagner !
Les habitats des Nutons étaient des cavernes ou des grottes surnommées par les villageois les “ les trous aux Nutons”.
Venez explorer la Grotte de Nichet à Fromelennes, où se trouve la salle des Nutons.


La légende des trois brigands de Givet
La légende des trois brigands de Givet est un récit captivant qui illustre la richesse du folklore ardennais. Cette histoire met en scène trois géants malfaiteurs qui terrorisaient la région de Givet pendant longtemps.
Ces brigands, vêtus de noir, se caractérisaient par leur audace sans limites et leur cruauté. Ils opéraient principalement la nuit, s’introduisant dans les maisons pour piller sans pitié les habitants, qu’ils soient riches ou pauvres.
Face à la résistance croissante des villageois, les bandits adaptèrent leur stratégie en se postant dans des lieux isolés pour attaquer leurs victimes. Leur audace atteignit son paroxysme lorsqu’ils dévalisèrent le curé de Givet Notre Dame et cambriolèrent l’église Saint Hilaire.
L’élément le plus marquant de cette légende est la punition divine qui s’abattit sur ces malfaiteurs. Alors qu’ils revenaient d’un vol de moutons, ils furent pétrifiés au moment de traverser la Meuse. Leurs silhouettes transformées en rochers restèrent longtemps visibles au bord du fleuve, servant d’avertissement aux générations futures.
Malheureusement, les traces physiques de cette légende ont disparu avec le temps, victimes du progrès et de l’aménagement des rives de la Meuse. Cependant, l’histoire continue de vivre dans la mémoire collective, témoignant de l’importance des légendes dans la préservation du patrimoine culturel local.

La légende du Rocher de Madame de Cormont
Au XVIIème siècle, dans le pittoresque village de Haybes, un riche seigneur vivait au sommet d’une colline, dans un magnifique château qu’il avait fait construire de ses propres mains. Ce seigneur, M. de Cormont, possédait tout le village, et sa femme, Mme de Cormont, l’accompagnait dans cette vie d’opulence. Le château abritait une étrange tourelle, surnommée “la prison”, car M. de Cormont y jouait le rôle de geôlier et de justicier auprès de ses vassaux. Pourtant, malgré leurs immenses richesses, M. et Mme de Cormont n’étaient pas heureux.
Un matin, contre toute attente, M. de Cormont, d’habitude sévère et autoritaire, invita sa femme à faire une promenade à cheval. Heureuse, Mme de Cormont accepta, ignorant que cette balade serait le début d’un tragique destin. Alors qu’ils traversaient une porte cochère, M. de Cormont fit bondir l’animal sous elle. Mme de Cormont, prise de court, se blessa gravement à la tête et tomba dans un évanouissement sanglant. Lorsqu’elle se réveilla, son mari avait déjà disparu dans la forêt, et jamais plus on ne le revit à Haybes.
Malgré l’accident, Mme de Cormont survécut, soignée par des vassaux dévoués. Après une longue convalescence, elle continua sa générosité, mais le 29 mars 1729, elle décéda à l’âge de 75 ans. Sa pierre tombale, toujours visible dans le vieux cimetière de Haybes, témoigne de son passage.
Avant de mourir, Mme de Cormont légua tout son or aux pauvres et ses terres aux Jéromistes de Fumay, qui lui rendirent hommage en élevant une chapelle en forêt, accessible par un sentier désormais appelé le sentier de Cormont.
La Révolution Française apporta la destruction de cette chapelle, et la légende raconte qu’en pleine incendie, un étrange phénomène se produisit. Le visage de Mme de Cormont se grava sur un rocher, faisant face aux flammes, comme pour protester contre cet acte de vandalisme. Aujourd’hui encore, les randonneurs peuvent admirer ce visage féminin gravé dans la roche, lors de la randonnée de la Roche de Cormont, un souvenir éternel de l’intrigante histoire de cette femme généreuse, dont l’esprit continue de veiller sur le village de Haybes.
La légende du Mawhot
La dernière légende que je vais vous conter est celle du “Mawhot” ou “Mawhotte en Belgique, créature amphibienne redoutée des profondeurs de la Meuse qui se déplacerait de Revin jusqu’à Liège. Imaginez un monstre gros comme un veau et ayant l’apparence d’un lézard. Ce Nessie local ne se montre que rarement, mais ses apparitions sont toujours porteuses de mauvais présages. Selon la tradition, il surgit des eaux pour annoncer des catastrophes imminentes : guerres, épidémies, mort et désolation.
Les mères contrariées contre leur enfant qui ne veulent pas obéir, on trouvait une méthode redoutable, il s’agit de la menace du Mawhot. Il peut donc surgir de l’eau, lorsqu’elle disait :
- Vlà le Mawhot, si tu n’ti tais nai, dji vas t’fouaire mindjie (voilà le Mawhot, si tu ne te tais de suite, je vais te faire manger).
Cette menace s’avère efficace pour ramener leur enfant à l’ordre.
Des témoignages de nonagénaires affirment l’avoir aperçu à Revin et Givet en 1870, lors du mois de juillet. Ces récits ont été documentés par Albert Meyrac, un spécialiste des légendes ardennaises, ajoutant ainsi du crédit à cette légende qui mêle folklore et histoire locale.
En somme, entre légende et réalité, le Mawhot continue de captiver les esprits et de hanter les habitants de notre région !
Petit conseil
Si jamais un jour vous vous retrouvez confronté et poursuivit par cette créature légendaire, jetez-lui un vêtement afin de le distraire. Il y a une chance sur deux pour qu’il aille dessus, ce qui n’est pas très rassurant, mais toujours mieux que rien, n’est ce pas ?


Les Dames de Meuse Hierges
Héribrand, Geoffroy et Vautier étaient les trois fils du Seigneur de Hierges. Ils épousèrent Hodierne, Berthe et Ige les trois filles du comte de Rethel.
La légende datant de la fin du XIXème siècle raconte…
Un beau matin, le comte de Rethel reçut dans son manoir trois preux, les fils de Hierges. Le comte ayant trois filles, elles promirent un amour immortel au preux. Cependant, ils avaient promis d’aller combattre en Palestine. Ils partirent donc un soir avec la croix sur la poitrine rejoindre Godefroy de Bouillon, laissant les trois filles au château.
Un jour, alors qu’elles étaient à leur habitude triste d’être encore seules, trois chevaliers se présentèrent au manoir. Ces dames ayant besoin de réconfort, elles se revêtirent de leurs plus belles atours. Le soir même, les trois filles rompirent leur promesse en accueillant trois chevaliers dans leur lit.
Comprenant leur trahison, elles s’enfuirent du château mais cette même nuit, une terreur se passa, les croisés avaient pris Jérusalem !
Dieu se vengea en changeant les trois filles en trois gros rochers.
Aujourd’hui appelés les Dames de Meuse. On peut les apercevoir lors d’une randonnée au bord de la Meuse à la sortie de Laifour en direction de Revin.

La légende de la Pierre Haussée
Maintenant, je vais vous raconter l’histoire de la famille Quewet et plus précisément du fils de la famille Lambert Quewet.
Tout commence au XVe siècle, au moulin de Falière, où vivaient Quewet et sa femme. Désespérés de ne pas avoir d’enfant, ils décidèrent de tenter une dernière chance : la femme de Quewet entreprit un pèlerinage à Matagne-la-Grande, en Belgique, pour invoquer Saint Agrapaud, un saint célèbre pour venir en aide aux femmes stériles. Leur prière fut exaucée : peu après, un fils leur naquit. L’enfant fut baptisé Lambert et grandit sous la bénédiction du saint.
Mais Saint Agrapaud n’avait pas simplement offert cet enfant au couple. Il avait également prédit que Lambert accomplirait trois miracles dans sa vie d’adulte, à condition qu’il l’invoque en criant : « Grand Saint Agrapaud, protège ton fils Lambert ! ». Cette promesse allait changer le destin du jeune homme.
Devenu adulte, Lambert hérita du moulin après la mort de ses parents. Bien qu’il fût un bon meunier et un homme honnête, il était maladroit et timide, surtout avec les jeunes femmes qui lorgnaient autant sur le moulin que sur lui. Parmi elles se trouvait Renaudette, une jeune fille rusée et déterminée à conquérir son cœur.
Un soir, alors que Lambert travaillait au moulin, Renaudette se présenta à lui sous prétexte d’être fatiguée après une longue marche. Décontenancé par cette visite inattendue, Lambert perdit tous ses moyens et invoqua instinctivement le saint en criant trois fois : « Grand Saint Agrapaud, protège ton fils Lambert ! ». À cet instant précis, la passerelle menant au moulin se souleva brusquement dans un fracas assourdissant. Effrayée par ce phénomène étrange, Renaudette s’enfuit précipitamment vers Revin.
Ce fut le premier miracle.
Mais Renaudette n’était pas du genre à abandonner si facilement. Quelques jours plus tard, elle décida de revenir au moulin pendant l’absence de Lambert. Elle entra dans la cuisine, activa le feu sous une marmite où mijotait un morceau de jambon et s’installa pour attendre son retour. Lorsque Lambert rentra et trouva Renaudette chez lui, il fut si troublé qu’il invoqua une nouvelle fois le saint. Aussitôt, la marmite explosa dans un bruit terrible et le jambon disparut pour laisser place à un énorme caillou noir qui roula sur le sol. Paniquée par cette scène surnaturelle, Renaudette s’enfuit à nouveau sans demander son reste.
Ce fut le deuxième miracle.
La rumeur des miracles se répandit rapidement dans tout Revin. Les habitants commencèrent à murmurer que Lambert était impliqué dans des pratiques magiques ou des sorcelleries. Le maire et les bourgeois décidèrent alors d’envoyer une milice au moulin pour capturer le meunier et mettre fin à ces événements étranges.
Prévenu par Renaudette (qui regrettait d’avoir causé tout ce tumulte), Lambert se retrouva face à la milice armée qui avançait vers lui. Pris de panique mais déterminé à se défendre, il invoqua une troisième fois Saint Agrapaud en lançant le fameux caillou noir qu’il avait conservé depuis l’épisode de la marmite. Contre toute attente, le caillou grossit miraculeusement en vol et s’abattit dans la Meuse avec une telle force qu’il forma un énorme rocher en forme d’œuf : la Roche des Diales ou Pierre Haussée, visible encore aujourd’hui.
Ce fut le troisième miracle.
Face à ces événements extraordinaires, les bourgeois décidèrent finalement de pardonner à Lambert et même de l’intégrer parmi eux en tant que membre respecté du conseil communal. Quant à Renaudette, elle finit par conquérir le cœur du meunier.
Lambert Quewet n’eut plus jamais besoin d’invoquer Saint Agrapaud après cela. Lui et Renaudette vécurent heureux au moulin de Falière et eurent une grande descendance : onze garçons qui devinrent tous meuniers comme leur père.
Alors, que pensez-vous de ces légendes mystérieuses ? Prêts à explorer ces récits fascinants en personne ? Peut-être croiserez-vous des Nutons, trouverez-vous des traces des Trois Brigands de Givet, ou apercevrez-vous l’ombre de Madame de Cormont… Ou même rencontrerez-vous le Mawhot.
L’aventure vous attend !
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